20 ans d’existence! Bell X1 a célébré cet âge canonique cinq soirs d’affilée à Vicar Street, à Dublin, du 21 au 25 mars. La fête fut belle.
On lève la tête et on a presque l’impression que les deux petits vieux du Muppet Show nous regardent depuis leur balcon. Bell X1 a trouvé drôle d’installer, sur le côté gauche de la scène, deux moitiés de pommes aux sourire carnassier et yeux exorbités. « Ouais, c’est un peu freaky » se marre Paul Noonan, le leader du groupe. Et puis on se souvient de « Eve, the Apple of my Eye », tube majeur et la référence devient évidente.
On ne se laisse pas distraire très longtemps car ce qui se passe sur scène du 21 au 25 mars à Vicar Street, « là où tout a commencé », est beaucoup plus intéressant. Car Bell X1, ultra-respecté en son pays, célèbre comme il se doit vingt années d’existence. L’occasion d’un joli coup d’œil dans le rétroviseur et surtout de constater que le talent de la bande n’a fait que se bonifier avec le temps. Car à la différence de certains groupes de pop (on ne citera personne par charité chrétienne …) qui fabriquent de la mélodie sucrée au kilomètre, le trio a toujours cherché de nouveaux sons, en faisant le grand écart entre le « radio-friendly » et une certaine idée de la musique indépendante. Les paroles des chansons témoignent également d’une volonté de se démarquer du tout-venant. Ça lui a valu le respect et la reconnaissance de la profession et une côte d’amour en Irlande qui n’a jamais faibli. Bref, l’anonymat en France de Paul Noonan and co est une injustice notoire et incompréhensible.
Chaque soir, à Vicar Street, un album est joué dans son intégralité – en compagnie du batteur Rory Doyle et de Glenn Keating aux synthés – et après un entracte (!), on enchaîne ensuite avec une flopée de hits. La setlist jouera au jeu des chaises musicales toute la semaine. Le premier rendez-vous est évidemment dédié au premier opus, Neither Am I, sorti en octobre 2000 et produit par Nick Seymour de Crowded House. Un LP brouillon qui contient des chansons écrites et enregistrées avec Damien Rice avant son départ, quand la bande – Paul Noonan, Brian Crosby, Dominic Philips et David Geraghty –, s’appelait encore Juniper. Paul Noonan, le batteur et chanteur (autre originalité), a ensuite pris la tête du groupe. Brian Crosby, qui est parti après la tournée de Flock, le 3e album célébré le vendredi et qui contient la plupart des tubes, vient d’ailleurs faire coucou le temps de deux titres.
Quand Damien Rice est annoncé le mercredi soir, par un Paul Noonan pince-sans rire comme d’habitude, c’est la surprise et l’exaltation dans la salle. Le songwriter folk, qui depuis a la carrière que l’on sait, n’avait pas partagé la scène avec ses anciens « collègues » depuis des années. Les vannes fusent et on a droit à des relectures intenses de Face et Volcano, avec instruments alors que, de notre côté, on ne la connaissait qu’en version guitare-voix. Assurément l’un des moments marquants de cette résidence. En parlant d’invité, Tim O’Donovan, batteur lors des tournées, se mettra également derrière ses fûts le quatrième soir consacré aux hits lors d’un My First Born For A Song audacieux et mémorable.
On aime également quand Paul Noonan se laisse aller à l’émotion lorsqu’il remercie ceux qui ont compté dans leur parcours et, surtout, le lead vocal au multi-instrumentiste Dave Geraghty, au chant plus groove et enveloppant. Un partage du « pouvoir » pas si fréquent dans un groupe pop. Côté setlist, Rocky Took A lover (les « Oh Oh », ça marche toujours), Velcro, The Great Defector, Next to You, Eve, The Apple of My Eye, Flame (qui permet une belle sortie de scène) sont les grands gagnants à l’applaudimètre. On succombe également aux hommages à David Bowie avec un Let’s Dance ultra-séduisant et festif, et à Leonard Cohen avec In My Secret Life. Et le trio réuni en bord de scène et en acoustique sur She’s A Mystery Girl (la belle voix grave de Dominic Philips). On a une grosse faiblesse pour la délicatesse et la soul de The Upswing, titre phare de Arms, la dernière livraison en date et qui a été compliquée à fabriquer.
Sur les cinq soirées, on a pu assister à trois d’entre elles. La dernière, en presque acoustique et dévolue aux tubes, reste notre préférée. Le set est cosy, intimiste, face à un public recueilli. Rien à voir avec celui de la veille, réuni lors d’un concert plus rock, énergique et en full band…. « Des cadavres gisaient dans le couloir » se moque Paul Noonan. Cet épilogue dominical et enchanteur donne à entendre davantage de Chop Chop, notre album préféré où les cuivres ont toute leur place. Frissons garantis à l’écoute de Starlings of a Brighton Pier (cette ligne de piano qui rappelle le flux et le reflux de la mer), avec David Geraghty à la batterie en lieu et place de Paul Noonan, et Careful what you wish for (alliance parfaite entre claviers et percussions)… Au final, cela donne une belle et émouvante communion avec le public. Il y en aura d’autres car, même si Geraghty sous le nom de Join Me in The Pines et Noonan s’autorisent des projets solo, Bell X1 pourrait bien nous redonner rendez-vous au même endroit dans vingt ans…