Interview Lucy Boynton (Sing Street) : « Raphina veut réaliser ses rêves et moi aussi. »

Dans Sing Street, feel-good movie signé John Carney (Once) en salles ce mercredi, Lucy Boynton incarne Raphina, une aspirante-mannequin, celle par qui tout arrive. Parce qu’il veut lui plaire, le jeune Conor (Ferdia Walsh-Peelo) se met en tête de monter un groupe. Lors de son passage au dernier festival du cinéma américain de Deauville, on a rencontré la jeune actrice anglaise, à un tournant dans sa carrière.

sing-street
Lucy Boynton, au centre avec Ferdia Walsh-Peelo à sa droite et les autres membres du groupe

Craic & Tracks : Avec Sing Street qui raconte le Dublin des années 1980, le réalisateur John Carney, ex-membre du groupe The Frames, parle encore musique, après Once et New York Melody. Avez-vous discuté des aspects personnels de son script ?

Lucy Boynton : Oui, bien sûr, même si je n’en avais pas vraiment conscience au départ. Il gardait un peu cela pour lui. Il ne voulait pas que ses acteurs soient influencés et inquiets par rapport à cela. Il a réussi à rendre son sujet universel. Chacun peut s’y reconnaître à un moment ou un autre. J’aime beaucoup le ton du film, un habile mélange entre légèreté et noirceur. C’est également le cas pour les personnages que John ne cherche jamais à idéaliser. Il les présente avec leurs défauts et leurs espoirs, sans édulcorer. Et j’ai trouvé cette démarche très belle et notamment concernant Raphina, la jeune fille que je joue.

Qui est Raphina ?

L.B : Je me sens toujours nerveuse quand je parle d’elle. J’ai toujours envie de la protéger. Elle n’a que 17 ans et a déjà connu pas mal de coups durs dans sa vie. D’ailleurs, j’ai imaginé son passé pour bien comprendre sa personnalité. J’ai des cahiers entiers de notes (sourires). Pour survivre, elle s’est appliquée à mettre une certaine distance entre elle et les autres. Elle s’est créé cette assurance, ce look étudié avec ce maquillage et des vêtements voyants. Mais quand on gratte un peu, on découvre que c’est encore une enfant vulnérable. Sa rencontre avec Conor est un grand choc car c’est quelqu’un de loyal. C’est la seule personne à qui elle peut et veut montrer son vrai visage.

Conor monte son groupe car il est amoureux de Raphina. Il y a presque du féminisme là-dedans car cela veut dire pas de création sans femmes…

Vous faites bien de pointer cet aspect. J’aime beaucoup l’idée et puis surtout Conor a une attitude très pure par rapport à cela. Ces tentatives pour plaire à Raphina ne marchent pas au début. Cela pourrait être un cliché mais John a une façon unique de construire une relation douce et belle entre ces deux personnages.

Comment avez-vous travaillé avec Ferdia Walsh-Peelo qui incarne Conor?

On s’est tout de suite bien entendus. On s’est rencontrés pendant les auditions et on nous a laissé une semaine avant de tourner pour faire connaissance. Nous sommes toujours en contact. C’est un garçon adorable. C’est drôle de le voir changer car au début du tournage, c’était un adolescent de 13 ans, timide, avec ses joues roses et maintenant c’est une rock star (rires). Il est en train de tourner un autre film, mais je ne suis pas sûre d’être autorisée à le dire (rires). Je pense qu’il veut alterner entre le cinéma et la musique. J’ai adoré jouer face à Jack Reynor (What Richard did), un être humain formidable et un acteur phénoménal. Il est très émouvant dans la peau du grand frère de Conor, qui a abandonné ses rêves contrairement à Raphina et Conor. Je pleure à chaque fois que je vois la scène finale : on se rend compte qu’il est le cœur du film. Sa performance est incroyable.

« Quand j’étais petite, voir les films ne me suffisait pas. Il fallait que j’en fasse partie. »

En parlant de rêves, vous êtes devenue actrice très jeune, à l’âge de 12 ans…

Raphina veut réaliser ses rêves et moi aussi. Je fais ce métier depuis dix ans, déjà, c’est vrai… Quand j’étais petite, voir les films ne me suffisait pas. Il fallait que j’en fasse partie. Et puis à l’âge de 10 ans, j’ai rencontré Helen Kay, une extraordinaire professeur d’art dramatique, actrice elle-même. Elle m’a aidée à concrétiser cette passion. Et dès que j’ai mis les pieds sur un plateau de cinéma, Miss Potter (2006) en l’occurrence, il était hors de question que je fasse autre chose de ma vie.

Pendant le tournage, avez-vous donné des conseils à Ferdia et aux garçons du groupe, qui eux n’avaient aucune expérience ?

Sing Street est très différent de ce que j’ai pu faire avant car en général, je suis toujours la plus jeune sur le plateau. Cette fois, c’était étrange car les rôles s’inversaient. J’ai donné quelques conseils techniques aux garçons mais je ne suis pas sûre d’avoir été une bonne prof. Ils n’avaient pas besoin de moi, car John sait tirer le meilleur de nous,  qu’on ait fait cent films ou non.

Vous êtes née en 1994. Les années 1980 où se situe l’action étaient une complète découverte pour vous ?

J’ai fait mon éducation avec ce film. En termes de mode, exubérante, et de musique. J’ai découvert The Cure, Duran Duran, les Talking Heads, un groupe dont je suis devenue une fan absolue. On a regardé beaucoup de clips vidéos et écouté des chansons qui apparaissent dans la bande-son. Le maquillage et la coiffure m’ont également beaucoup aidée à cerner mon personnage. La costumière, qui s’est inspirée de Debbie Harry et Madonna, a fait un travail incroyable. Les séances habillages étaient particulièrement drôles.

sing-street-3
Ferdia Walsh-Peelo et Lucy Boynton

Dans le film, le groupe réalise des clips-vidéos, à la MTV avec peu de moyens…

L.B :J’ai adoré tourner ces scènes. On s’est beaucoup amusé, surtout grâce à John Carney. Car même si on tournait à 4 heures du matin, il avait une énergie très communicative. C’est un grand enfant et on ne savait jamais où ces scènes allaient nous emmener. Par exemple, j’ai dû sauter dans l’eau, en plein mois de novembre en Irlande : c’était intense, c’est peu de le dire. Même si j’avais plusieurs épaisseurs de vêtements sur moi, j’ai eu tellement froid. Je ne suis pas près d’oublier ce plongeon.

Conor étudie dans une école dirigée par un prêtre aux méthodes contestables. Méthodes assez répandues dans ces années-là à Dublin…

L.B: Je connaissais vaguement le problème. J’ai été choquée quand des spectateurs du film ont dit qu’ils avaient vécu ce genre de traitement. C’est un sujet un peu tabou apparemment et c’est vraiment intéressant d’ouvrir ce débat. Les choses semblent avoir évolué dans le bon sens heureusement. D’ailleurs, John nous a dit que l’école avait radicalement changé.

John Carney n’aime pas que l’on compare Sing Stret aux Commitments d’Alan Parker, (des Dublinois qui montent un groupe de soul NDLR) d’après Roddy Doyle …

Moi, cela ne me dérange pas. Je comprends cette comparaison, d’autant que Maria Doyle Kennedy qui était dans les Commitments apparaît dans Sing Street. Selon moi, c’est un grand honneur car ce film est formidable. J’en suis fan. Et comme dans celui de John, les personnages sont montrés dans toutes leurs aspérités.

Quels sont vos projets ? Vous étiez dans la short list pour incarner Iris West dans The Flash, les aventures du super-héros de DC comics, de Rick Famuyiwa…

Je suis déjà honorée d’être sur cette liste mais je ne peux pas dire grand-chose sur le sujet … (l’actrice Kiersey Clemons, qui a déjà travaillé avec le réalisateur sur son film Dope, serait en bonne position pour obtenir le rôle, ndlr). Je viens tout juste de finir Rebel in the Rye de Danny Strong, où j’incarne Claire Douglas, d’après la vie de JD Salinger. J’ai également joué dans I Am The Pretty Thing That Lives In The House de Osgood Perkins… J’ai d’autres projets mais je ne peux pas en parler… (depuis l’interview, Lucy Boynton a été annoncée au casting du Crime de l’orient-express que Kenneth Branagh va bientôt réaliser, ndlr).

Laisser un commentaire