Le 25 et 26 juillet au stade de France, U2 revisitait The Joshua Tree, son album emblématique sorti il y a trente ans. On a assisté au deuxième concert : on vous raconte notre (presque) réconciliation avec la bande à Bono.
On s’était juré de ne jamais mentionner U2 dans le blog (voir le texte de présentation). Trop stars, un Bono moralisateur et pas d’album convaincant depuis des lustres (Zooropa en 1993 et quelques singles de All That You Can’t Leave Behind en 200O). Et pourtant… Le 26 juillet, on est allé au deuxième concert du groupe (après un autre donné la veille) au stade de France. Et pourquoi donc ? La reprise sur scène et en intégralité de The Joshua Tree, l’album emblématique sorti il y a trente ans. On a beau savoir que cette tournée des stades aux Etats-Unis et en Europe sera très lucrative, on se laisse tenter car cet « album américain » a bercé notre adolescence. Un LP, versant dans le folk, le rock et le gospel par des enfants du post punk, qui allait faire des stars de Bono, The Edge, Larry Mullen et Adam Clayton. Produit par Daniel Lanois et Brian Eno, ce cinquième opus aux 28 millions d’exemplaires vendus donne une vision sans fards mais fantasmée des Etats-Unis, alors sous le règne socialement destructeur de Ronald Reagan. Avec l’arrivée de Trump au pouvoir, il semble être encore d’actualité… On en a fini avec les explications – excuses, place au show.
Larry Mullen en majesté
En ce 26 juillet, Noël Gallagher, la moitié d’Oasis, et ses High Flying Birds, font patienter un stade qui se remplit gentiment. Figurent sur la setlist, les incontournables Wonderwall, Champagne Supernova et Don’t Look Back in Anger, devenue LA chanson consolatrice depuis l’attentat de Manchester. On met ses bouchons d’oreilles car le son est plus que moyen et cela ne va pas s’arranger… On s’offre un clin d’oeil aux compatriotes, les Waterboys, avec The Whole of the Moon, en guise d’introduction et les choses sérieuses peuvent commencer. Alors que le soleil n’est pas encore couché, Larry Mullen se rend seul vers l’avant-scène et se met à jouer rageusement Bloody Sunday avant d’être rejoint par les autres membres du groupe. Une entrée en matière ultra-efficace et audacieuse même si en gradins, on aurait aimé voir le visage du batteur sur l’immense grand écran installé en fond de scène.
Tout le public est débout et le restera car la setlist enchaîne New Year’s day (War) et Pride (in the Name for Love) (Rattle and Hum). L’écran géant – HD incroyable, 65 mètres de longueur, 11 de large – s’active enfin (jaune flamboyant et fameux cactus noir) au son du riff de The Edge qui démarre Where the streets have no name. Une route en plein désert, filmée au ralenti par Anton Corbijn, le photographe-cinéaste indissociable de l’esthétique du groupe, apparaît alors et c’est une vraie claque visuelle. Ce ne sera pas la seule : on aime également le Grand Canyon filmé sur toute une journée, la « participation » de l’orchestre de l’armée du salut ou l’hommage consacré à des femmes de « combat » comme Simone Veil (certains visages font tiquer quand même…). Pas de pyrotechnie ni de jeu de lumière très sophistiqués : il faudra se contenter de cet écran innovant qui remplit parfaitement sa mission.
La face B
La playlist de l’album se déroule dans l’ordre avec I still haven’t found what i’m looking for (un mash-up final avec le classique Stand by me). L’euphorie continue avec le tubesque With or Without you et le martial Bullet the Blue sky sur l’intervention américaine au Salvador. Elle retombe quelque peu quand il faut attaquer les morceaux les moins fédérateurs ( la face B): Red Hill Mining Town, In God ‘s Country, Trip Through the Wires et One Tree Hill. Bonne surprise, Bono, en très bonne forme vocale, est plutôt sobre entre les chansons. Flatteur (quoique…), il affirme que les Etats-Unis sont une idée française et revient sur son entretien avec Emmanuel Macron… Pas de longs discours heureusement : il a décidé de laisser parler la musique. Sur Exit, il s’empare de la caméra avec malice et se filme en lançant un dernier regard impressionnant. La veille, la grande Patti Smith était montée sur scène pour interpréter avec lui Mothers of the Disappeared, qui aborde la dictature de Pinochet en Argentine. Pas de round two pour elle ce soir. Dommage. On se consolera lors du très long rappel.
Mysterious ways
Place cette fois aux tubes récents (Beautiful Day, Vertigo, Elevation), assez éloignés du son et de l’univers de The Joshua Tree. On mesure alors le chemin parcouru. Miss Sarajevo devient Miss Syria, alors que l’on fait courir dans le stade la photo par JR d’une syrienne qui veut devenir avocate. Une jeune fille monte sur scène pour un duo dansant très réussi avec Bono sur le sexy Mysterious Ways. On calme le jeu avec l’irrésistible et rassembleur One. On croit se quitter en douceur et voilà que Larry Mullen martèle à nouveau ses fûts sur I Will Follow. Clameur dans le public dès l’amorce de ce titre qui figure en tête de la tracklist de Boy, le premier album. Ce retour aux sources émouvant et une énergie intacte en guise de final achèvent de nous réconcilier, au moins sur scène, avec Bono and co.