On y était : Adrian Crowley (w/ Nadine Khouri) au Pop Up du Label, Paris

Ce 29 janvier, Adrian Crowley revenait à Paris pour défendre Dark Eyed Messenger, son huitième et sublime album. Nadine Khouri, aux connections musicales évidentes avec le songwriter, avait fait le déplacement. Bref, le line up parfait.

« On va essayer de faire un pont entre le ridicule et l’autre monde ». Cette phrase, prononcée en français s’il-vous plaît, reviendra deux fois au cours du concert d’Adrian Crowley au Pop up du Label, ce 29 janvier. Enfin du ridicule comme ça, on en veut bien tous les soirs… Car encore une fois, le rendez-vous donné par le troubadour à la voix d’or a été magnétique. Cet héritier de Leonard Cohen et de Bill Callahan est venu dérouler Dark Eyed Messenger, sa huitième livraison à l’épure séduisante, produit par Thomas Bartlett, le pianiste de The Gloaming, et qui a officié entre autres pour Glen Hansard, Sufjan Stevens, Martha Wainwright ou Les Magnetic Fields.

On avait déjà eu un bel aperçu à Dublin au Grand Social, voir ici. Le 16 décembre dernier, il s’était entouré d’artistes féminines ultra-talentueuses, Radie Peat, Katie Kim, la violoncelliste Katie Ellis et la flûtiste Lina Andonovska. Il continue pour cette tournée en Europe, en compagnie de Nadine Khouri. Le lien musical entre le songwriter de Galway et la londonienne d’origine libanaise, et au français parfait, est d’une évidence totale. A la guitare, elle offre une écriture douloureuse, supervisée par le grand John Parish sur son premier LP The Salted Air, sorti en mars dernier. Le son est plus minimaliste sur scène mais c’est tout aussi beau, entre Beth Gibbons (Portishead) et Mazzy Star (la voix chaude). On a très gros faible pour I Ran Thru The Dark (To The Beat Of My Heart), Broken Star, inspiré de Virginia Woolf, Catapult et l’atmosphérique Throw Your Love Down. En fait, on aime un peu tout.

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Adrian Crowley s’installe ensuite à son mellotron, instrument assez magique qui permet de créer des nappes synthétiques à l’onirisme cotonneux, pour The Wish, le single sur l’amour douloureux et sublime morceau d’introduction. Le timbre de baryton, sépulcral, cueille d’emblée et invite à l’introspection. Les chansons de Crowley, bouleversantes, pourraient augurer un set déprimant. Sauf que non, ce maître du storytelling ultra-mélancolique, est drôle. Entre deux blagues, il annonce, en français (« je peux frimer car mes amis irlandais qui sont là ne comprennent pas ce que je dis), une reprise de The Ocean du Velvet Underground. Là encore, la référence tombe sous le sens.

On a droit à la sombre et déchirante Juliet I’m in flames, une « oldie » issue de I See Three Birds Flying, son 6e opus. « Shy one, shy one / Shy one of my heart / She moves in the firelight/ Pensively apart… : To an Isle in the Water, le poème de l’irlandais William Butler Yeats, a cette fois à sa version chantée. L’ancien résident du Centre culturel irlandais (six semaines en novembre et décembre dernier où il n’a pas fait que « collectionner les bouteilles vides ») s’empare de sa guitare – absente sur le nouvel album – pour jouer Silver Birch Tree. Art de la métaphore : il s’y métamorphose en arbre (la nature, thème récurrent) avec les initiales de sa bien-aimée gravée sur son flanc. Il manie l’ironie avec délicatesse sur Halfway to Andalucia, un de nos titres préférés du nouvel album. On succombe à l’écoute de Catherine in Dunes et du désespéré Lullaby To A Lost Astronaut.

Lors du nocturne et cinématographique And So Goes The Night, un spectateur fait un malaise (sans gravité). Flottement dans le public et pour Crowley, qui s’arrête pour prendre des nouvelles et reprend finalement le morceau. Nadine Khouri assure le chœur qui va crescendo de Valley of Tears, le seul titre du nouvel LP avec un peu de guitare. Assurément, l’un des temps forts du set. Alors qu’il tente de réparer une boîte à musique – orgue de barbarie, Crowley raconte avec gourmandise l’histoire derrière Unhappy Seamstress  : alors qu’il écrivait un livre dans une chambre d’hôtel, il entendait vivre sa voisine (« les murs étaient très fins »). Une femme qu’il n’a jamais vue et qu’il a imaginé couturière. On se quitte trente secondes pour un final avec Alice Among the Pines et Some Blue Morning, le titre phare et homonyme de l’album précédent. Déjà ? On est triste de refermer le livre intime d’un raconteur d’histoires définitivement indispensable.

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