Dix mois après son concert sublime au Café de la danse, Villagers a fait halte hier soir à la Maroquinerie, avec un album best-of sous le bras. Des retrouvailles intenses, avec Ye Vagabonds, et leur folk très « roots » en première partie.

La base du folk. Quand d’autres, mettent de la guimauve pop dans leurs ballades boisées, les Ye Vagabonds prennent le chemin de la tradition. Et si on en juge par le silence religieux à la Maroquinerie hier soir, le duo a fait le bon choix. Brían et Diarmuid Mac Gloinn assuraient la première partie de Villagers (ils ont également fait quelques dates avec Glen Hansard sur sa tournée européenne). Les deux frères, passés par l’école du busking (chanter dans la rue) avaient offert un set enchanteur la veille à la chapelle du Centre culturel irlandais, en ouverture de The Lost Brothers. Leur deuxième round fut plus resserré et tout aussi émouvant (le pouvoir des harmonies vocales), où ils ont livré les meilleurs morceaux de leur EP intitulé Rose & Briar, et des extraits de leur premier album à venir. Impossible de ne pas succomber à leurs mélodies intemporelles, qui parlent de nature et d’amours anciens et qu’on imagine jouées au fond d’un pub (ce qu’ils font tous les lundis au pub Walsh dans le quartier de Stoneybatter à Dublin). Un ange est définitivement passé. Ils reviendront le 17 mai à la Chapelle du CCI avec Anderson. On y sera évidemment…

Where have you been all my life : le titre de l’album best-of de Villagers invite aux retrouvailles. Elles furent belles hier soir, soit dix mois après un rendez-vous intense au Café de la danse. Un mot quand même sur cet LP très spécial, baptisé d’après des paroles tirées de Soul Serene, un morceau de Darling Arithmetic, dernier et très personnel album studio de la bande de Conor O’Brien. Les douze titres réunis ont été enregistrés en versions acoustiques lors d’une session marathon d’une journée au studio RAK de Londres. Aux manettes, l’ingénieur du son Richard Woodcraft, qui a œuvré pour Radiohead, The Last Shadow Puppets, Etienne Daho, Savages… . Au final, cela donne une relecture impressionniste, dans un style plus cosy et d’une délicatesse infinie. On attaque d’emblée avec une version de Memoir, chanson écrite à l’origine pour Charlotte Gainsbourg. La magie opère instantanément et perdurera tout le long du set. Les arrangements avec la contrebasse, la harpe, le synthé en soutien et les cuivres, apportent une belle touche atmosphérique et mélancolique aux morceaux les plus folk. Nothing arrived, avec un jeu de batterie plus que groovy, s’en trouve métamorphosée. Une pure merveille. I saw the Dead, qui, curieusement, comme Becoming a jackal, ne figure pas sur l’album best-of, est joliment épuré et exécuté au piano par un Conor O’Brien, peu disert. Le bavardage n’est pas son fort. Ah si, il a découvert ce que signifie la Maroquinerie (« un truc avec le cuir, c’est ça ? »), souhaite un bon anniversaire à quelqu’un dans le public et s’autorise une mini-impro du Poinçonneur des Lilas de Serge Gainsbourg avant de jouer No-One to Blame au clavier. Et ce sera tout. Et à vrai dire, ce n’est pas bien grave. Les morceaux s’enchaînent et arrivent les moments de bravoure avec les puissants Little Bigot, The Waves (qui a définitivement perdu ses teintes électro) et Occupy my mind. Conor O’Brien en sort épuisé, nous aussi, mais on en redemande. Lors du rappel, on a droit à Whichita Lineman de Jimmy Webb, chanson légendaire et un sommet qu’il parvient à gravir avec grâce. Le public, subjugué de bout en bout, susurre les paroles de Courage, où le songwriter se livre comme jamais sur son homosexualité et qui clôt naturellement un concert d’une intensité folle et en totale apesanteur.
Setlist du concert à la Maroquinerie :