Deux jours après avoir investi, pour la première fois, la grande salle du Whelan’s à Dublin, Marc O’Reilly jouait « à domicile » au Cyprus Avenue, de Cork le 5 mars. Son jeu de guitare étourdissant, son rock blues seventies et son songwriting nous ont une nouvelle fois bluffée.

A Cork, un studio de musique, situé sur Camden place, porte le nom de Rory Gallagher, en hommage à la légende de la guitare bien connue. La ville vénère, à raison, ce prince du blues rock trop tôt disparu et qui a passé sa jeunesse dans la cité portuaire. Aurait-on trouvé un héritier avec Marc O’Reilly, enfant du pays, guitariste extraterrestre et aux riffs rageurs ? Même si c’est un peu facile et réducteur, on ne peut s’empêcher de voir une filiation. Le samedi 5 mars, le songwriter (que l’on compare également à Ray LaMontagne), entouré du batteur Peter Byrne et du bassiste Mike O’Connell (Le guitariste Albert Jones manque à l’appel), jouait donc « à domicile » dans une Cyprus Avenue surchauffée. Beaucoup d’amis dans la salle et « expressifs » (le concert a commencé à 21h45…), bref l’ambiance est plus festive qu’à Londres, où on l’a vu et apprécié plusieurs fois (voir par ici).
Fallen, aux belles harmonies vocales avec Mike O’Connell, qui ouvre le bal et Hail, sont les seules mélodies boisées et soul du set (pas d’African Day, aargh). Même la ballade Letting Go prend de l’électricité. La groovy la Question, avec ses quelques paroles in French (O’Reilly est français par sa mère) perd toute sa suavité pour des tonalités résolument rock. Car ce concert sera épique, avec les moments de bravoure qui vont avec. Marc O’Reilly ne laisse aucun répit à Mike O’Connell et surtout à Peter Byrne dont le jeu, original, prend fatalement de la vitesse. Des coups vifs de baguette sur le rebord de la caisse pour Get Back, et le morceau est métamorphosé. On enchaîne avec Tell Old Joe (« Un joe dans la salle ? »), plus « blues tu meurs ». On a droit à une petite blague sur The Gloaming, le groupe phénomène qui se produisait au National Concert Hall à guichets fermés pendant que lui et son groupe mettaient tout le monde d’accord au Whelan’s à Dublin deux jours plus tôt. Allez, un verre de whisky et les affaires reprennent.

La sublime The Scottish Widow est méconnaissable avec un final en apothéose où les instruments se font lourds. Les corps ondulent et on se pince devant la redoutable technique du garçon (en plein solo, il se permet de saluer quelqu’un dans l’assistance). Un mot quand même sur sa voix, chaude, rocailleuse et émouvante. Un bonheur et une douceur pour les oreilles. La trilogie électrique You Never, Reach out, sur la crise économique et Same Side, est menée à un train d’enfer. On s’autorise une amorce à la pédale Wah Wah avec l’imparable Wayward Sherperd. Le public en veut plus mais il semble avoir fait le tour de ses deux albums, My Friend Marx et Human Herdings. « On se reverra quand j’aurai sorti le troisième » (il a signé en 2015 un contrat avec Fintage Management et Virgin Records). Avant de livrer ce nouvel opus, il se pourrait bien qu’il fasse enfin une halte à Paris dans quelques mois. En partant après ce set trop court, on passe devant le fameux studio cité plus haut : oui, la relève est bel et bien assurée.