Epaulée par Aaron Dessner (The National), Lisa Hannigan affiche ses ambitions, et transperce le cœur, dans At Swim, son album le plus abouti.

Pour avoir entendu quelques morceaux en avant-première, sur scène (au Centre culturel irlandais, à Cork et au festival Interlude), on se doutait que l’ambiance ne serait pas des plus festives dans At Swim, le troisième LP de l’enfant chérie de la scène irlandaise (après Sea Sew en 2008 et Passenger en 2011). Les clips de Prayer for the Dying, Fall co-écrite avec le génial Joe Henry, et Ora n’ont fait que confirmer l’impression initiale.
Et cela se vérifie à l’écoute complète de ce nouvel opus, attendu depuis cinq ans (quand même). On pleure donc des rivières mais avec classe et délection. Cet album, où les paroles font évidemment dans la métaphore liquide, a été conçu pendant / après une période assez compliquée pour la songwriter, en panne d’inspiration, partagée entre Dublin et Londres et se demandant quel sens donner à sa carrière… Ceci expliquant peut-être cela…
On y parle de solitude, et de deuil comme dans la bien-nommée Prayer for the dying, hommage en forme de slow des familles à un parent disparu d’un ami. Le chant hanté / dédoublée de Lisa Hannigan, qui étire les mots à l’infini, plonge dans une douce rêverie, comme un temps suspendu (on pense à la country gothique de Patsy Cline ou aux volutes vocales de Marissa Nadler). En passionnée de littérature (elle a repris des études de lettres dans la capitale anglaise), elle interprète a cappella, le vibrant Anahorish, un texte de Seamus Heaney, le poète iconique disparu le 30 août 2013, sur une mélodie à la Emmylou Harris.
On retient évidemment We, the Drowned, une ballade, où la voix d’Hannigan commence dans les graves et monte crescendo, avec des paroles ultra-mélancoliques et assez sublimes : « We, the ashes / We spend our days like matches / And we burn our ships as black as the end, the end, the end, the end. »
Les arrangement sont somptueux. On s’autorise parfois des accents électro comme dans Lo et Undertow. La présence de Aaron Dessner de The National, qui co-écrit également trois morceaux et officie à la production, n’est pas écrasante. Le folk jusque là joliment séduisant de Lisa Hannigan prend juste de l’ampleur et atteint une puissante dramatique inédite. A travers cette collection de chansons – cocons, finement ciselées où se répondent piano, cordes et cuivres, l’ex-partenaire de Damien Rice affiche ses ambitions artistiques et finalement une certaine sérénité. Une envie de renouveau franchement convaincante.
En cadeau bonus, voici le dernier clip en date, réalisé à la maison, par Jamie Hannigan, le frère de Lisa Hannigan: