Encore une fois, à l’occasion de la Fête de la musique, le Centre culturel irlandais a montré la diversité de la scène musicale sur l’île d’Emeraude en accueillant Katie Laffan (pop/funk), Cúig (musique traditionnelle) et Rusangano Family (hip hop). On était évidemment au rendez-vous.
En ce 21 juin, on aurait bien appelé la Fifa pour qu’elle décale le match de l’équipe de France contre le Pérou. La coupe du monde de football fait dans la concurrence déloyale… Les Bleus jouent depuis une heure quand la toute jeune Katie Laffan ouvre le bal de la Fête de la musique au Centre culturel irlandais. Le public commence doucement à arriver quand elle se met à dérouler Spacer, son deuxième EP, sorti en mars dernier. Au menu : de la pop, sous influence 70’s, catchy et au songwriting acéré. On pense à Chic ou Sophie Ellis-Bextor à l’écoute de Tastemaker, une perle avec ligne de basse funky et voix enjôleuse. Mention spéciale également à Aversion, plus synthétique via les claviers, et Monsters, aux paroles malignes et au saxo mis en lumière. Artiste définitivement à suivre.
Le public se fait plus dense lors du set de Cúig, le quota « musique traditionnelle » indispensable. Comme d’autres jeunes de leur génération (Moxie, Notify…) Miceál Mullen (Banjo/Mandoline), Rónán Stewart (Fiddle/Uilleann pipes/voix), Ruairí Stewart (guitare), Eoin Murphy (accordéon) et Cathal Murphy (batterie/voix) proposent leur vision personnelle et modernisée du genre. Habituellement absente, la batterie apporte un surplus d’énergie à des airs déjà largement dépoussiérés. Originaire d’Irlande du Nord (Armagh et Tyrone), le quintet (Cúig veut dire 5…), élu « Best New Irish Band 2016 » par The Irish American News, est venu défendre, New Landscapes, son premier album sorti en avril 2016, incluant des compositions originales, de la musique traditionnelle irlandaise, écossaise, world, et aux teintes rock. La bande revendique des influences bretonnes, galiciennes et bluegrass. Avant de présenter leur LP, Miceál Mullen ne manque pas de se mettre le public dans la poche en tentant quelques mots en Français et en applaudissant la victoire des Bleus. Mais place à la musique, une alternance de ballades et de morceaux réjouissants. On ne se fait pas prier pour bouger son corps.
On continue de danser (on fera même tourner les vestes et les t-shirts) grâce au hip hop de Rusangano Family, qui a mis tout le monde d’accord en Irlande. Et oui du hip hop : car la scène irlandaise, ce n’est pas seulement des sessions au fond d’un pub. Rusangano Family, c’est la réunion assez miraculeuse de God Knows, MuRli Bo et mynameisjOhn : le premier est originaire du Zimbabwé, le second du Togo (ce qui nous vaut quelques paroles en Français) et le troisième, du comté de Clare. Basé à Limerick, le trio a convaincu critique et public avec son premier album Let The Dead Bury The Dead. On parle migration et de « c’est quoi d’être irlandais » dans ce coup d’essai brillantissime, justement récompensé du RTE Choice Music Prize en mars 2017.
Sur scène, débarquent deux boules d’énergie, au service de textes forts et débités façon mitraillette. On applaudit le groovy et récent I Know You Know (sur la maladie mentale) et on donne de la voix sur le « so irish » Tea in A Pot. Le déracinement et « trouver sa place en Irlande » sont au cœur de The Lights On, un pur bijou. Que dire de la puissante et émouvante Heathrow (« When I see Police I’m Amadou Diallo/ Haunted by the bodies Sahara swallowed/ Did I flee Lampedusa to die over you? » ) sur le sort des migrants ? On va bientôt se dire au-revoir mais le public ne veut pas les laisser partir. Armé de son saxophone, Sam Comerford, compositeur et résident du Centre culturel, improvise joliment sur deux morceaux (dont un répété une seconde fois, ce qui n’est pas pour nous déplaire). Un point final à l’image d’un set énergisant de bout en bout. Les absents (et les amateurs de football) ont eu franchement tort.