Le 17 mars, Ye Vagabonds nous ont offert une belle Saint Patrick, à la chapelle du Centre culturel irlandais. Les deux frères ont livré leur folk intemporel fait d’harmonies vocales et surtout puisé dans leur tout nouveau deuxième album, aujourd’hui dans les bacs.
Le vert est mis sous les arcades du Centre culturel irlandais. Si on avait un doute sur la date, nous sommes bien le 17 mars, jour dédié à Saint Patrick. On ira au pub plus tard : on a mieux à faire en assistant à la Chapel session donnée par Ye Vagabonds. C’est un retour en ces lieux pour les deux frères originaires de Carlow, après un concert avec The Lost Brothers (voir ici) et leur double bill avec Anderson du 17 mai 2016. Ils ne sont pas venus les mains vides. The Hare’s lament, leur deuxième album (River Lea, une branche de Rough Trade, pas mal), n’est pas encore dans les bacs (sortie le 22 mars) et voilà qu’ils nous le dévoilent largement, en avant-première.
Hunting songs
Une fois encore, les multi-instrumentistes Brían et Diarmuid Mac Gloinn, qui sont passés par l’école du busking et ont notamment assuré les premières parties des concerts de Lisa Hannigan et Glen Hansard, ont puisé, pour le réinventer, dans le patrimoine du folk traditionnel irlandais, écossais et anglais. Comme le titre de leur nouvel opus l’indique, on parle lièvre, mais également chasseur, nature, amour et cœurs brisés. Comme dans le très beau I Courted a Wee Girl, où le héros découvre que la femme qu’il aime va épouser un autre homme.
Au son du bouzouki, du fiddle, de la mandoline et de l’harmonium ( aux manettes de Alain Mcfadden), « on joue des chansons tristes évidemment » rigole Diarmuid, le plus volubile des deux frères. Celui-ci finit de détendre l’atmosphère avec son humour pince sans rire (« Mesdames, ne vous aventurez pas dans les bois, vous risqueriez d’être le sujet d’une chanson folk »). Le duo nous fait découvrir le répertoire de Roise Na nAmhran (1879 – 1964), une chanteuse de Arranmore Island, d’où est également originaire leur mère (le folk est une affaire familiale chez les Mac Gloinn). Du chant en irlandais donc, avec Tuirse Mo Chroi, où il est question d’un célibataire hypocrite qui refuse de se marier. Dans If I Were a sailor (Dá mBéinn i Mo Bháidóir), on célèbre les marins « dont les droits à la pêche ont récemment largement été bafoués » selon Brían. Celui-ci s’étonne d’ailleurs que ces hommes de la mer aiment autant Whistling Wind (issue de leur premier album) « alors qu’on y parle de foi ».
Harmonies vocales
On a parfois droit à des solos, comme le sublime The Foggy Dew, retrouvé et interprété par Brían. Mais la marque de fabrique des deux frères reste les harmonies vocales. Leurs deux voix, toutes en volutes celtisantes et dont la tessiture varient en fonction des chansons, se mêlent naturellement et surtout créent une émotion immédiate. C’est particulièrement le cas lorsqu’ils attaquent un morceau a cappella, de Go Where You Will qui va crescendo ou lors de leur réinterprétation de l’imparable Lowland of Holland. Mention spéciale à The Hare’s Lament qui s’achève avec Ocogovska Oro, un instrumental entraînant, joué au bouzouki et à la mandoline, en provenance de Macédoine. Willie O Winsbury, une sublime ballade écossaise du 18e siècle, « moins hétéronormée que le reste de notre répertoire », sur un bourgeois qui épouse la fille d’un roi tout en refusant l’argent du souverain, achève en beauté ce vertigineux voyage dans le temps. Allez, revenons au présent : il est temps de s’hydrater.