Le festival Days off s’est achevé hier soir avec This Is The Kit – Planetarium (à la Philarmonie) et C Duncan et RY X (Cité de la musique). On fait le point sur les Irlandais « de l’étape », James Vincent McMorrow et Lisa Hannigan.
Tour de France oblige, on se risque à la métaphore « Petite Reine ». Quid des Irlandais de l’étape cette année au festival Days off, à savoir James Vincent McMorrow (le 5 juillet) et Lisa Hannigan (le 6) ? On commence par un tout petit coup de griffe : ces deux artistes, stars en leur pays (JVM assurait un énorme show à Dublin à Trinity College deux jours plus tard et Lisa Hannigan affichait complet au Whelan’s le même soir), méritaient d’être en tête d’affiche lors de cette nouvelle édition à la Philarmonie.
Cette mise au point faite, on se penche d’abord sur le cas de JVM, qui ouvrait la soirée pour Michael Kinawuka. Venu en solo (ce dont il n’a plus l’habitude), le songwriter dublinois a passé en revue les titres les plus marquants de ses quatre albums. Il attaque au piano / synthé avec Red Dust (de Post Tropical) dans une version dépouillée et atmosphérique et poursuit avec Lost Angles, issu de We move, le 3e LP supervisé par l’un des producteurs de Drake.
Un petit coucou aux spectateurs au balcon. On n’adhère pas totalement à la relecture minimaliste à la guitare de We don’t eat, vestige de sa période folk de Early in the morning, son 1er album. Sa voix de falsetto, toujours à la limite de la rupture, met les poils sur One Thousand times qui a perdu tous ses arrangements sophistiqués. Pas de chœurs, donc pas de « Get low » sur le titre homonyme : c’est un peu destabilisant mais ça fonctionne. Il explique la sortie express (dix mois seulement après celle de son opus précédent) de True Care, qui a surpris tout le monde et où, une nouvelle fois, il se met à nu. Il en profite pour dévoiler l’un des meilleurs morceaux, National, aux accents soul et au final abrupt.
On valide la revisite assez radicale de Rising Water, au beat vaporeux comme un cœur qui bat. True Care, sur ses tourments adolescents, se fait plus organique et la voix, stratosphérique, est à son summum pour le morceau de bravoure If I have a boat. On ralentit également le tempo de Gold, l’un des titres les plus catchy de Post Tropical, qui a annoncé le virage R’n’B de son auteur. Après Change of Heart, on se quitte avec l’imparable Cavalier, où il se rappelle son premier amour dans un crescendo vocal déchirant. Avant de revenir à Paris en novembre prochain, JVM, à la timidité touchante, nous a livré un showcase de luxe (d’une heure quand même visible ici), où il a prouvé que son songwriting pouvait passer avec brio l’épreuve de l’épure.
Lisa Hannigan, voix d’ange et classe incarnée
Le lendemain, Lisa Hannigan jouait pour la première fois à la Philarmonie, juste avant Devendra Banhart au dilettantisme exaspérant… Elle avait également ouvert pour Patrick Watson, lors de l’édition 2013 de Days off, organisé à la Salle Pleyel à l’époque. On se répète, Lisa Hannigan mérite amplement d’être mise un peu plus dans la lumière. Et vu la réaction enthousiaste du public à l’issue de son concert, elle s’est gagné de nouveaux fans. Avec trois albums au compteur, ça fait bien longtemps que l’ex-partenaire de Damien Rice s’est émancipée, pour offrir un folk de plus en plus aérien et élaboré.
Sur At Swim, la dernière livraison en date, conçue dans la douleur et produite par Aaron Dessner (The National), on pense à Agnès Obel ou Marissa Nadler. Avec une touche toute irlandaise (le chant). Comme souvent, elle attaque seule avec Little Bird, Ora, et Passenger (chanson titre de son deuxième album). On se dit qu’elle va jouer en solo et ô joie, son batteur et John Smith, guitariste et songwriter anglais (qui vient d’ailleurs de sortir un album), viennent en soutien. Comme au Flow le 3 novembre dernier, elle nous refait la blague de Undertow, avec paroles apprises à l’envers pour les besoins du clip.
Alors que l’on se dit qu’il serait temps qu’elle se renouvelle côté anecdote, la chanteuse, à l’intensité tranquille, nous attrape encore avec le sublime et tragique We the Drowned, bien épaulée par le voix plein de graviers de John Smith. Leurs chants qui tutoient les anges se marient à la perfection sur Anahorish, relecture a capella d’un poème de Seamus Heaney. John Smith étant sur scène, elle retrouve donc son binôme original pour O’Sleep, ballade cosy et cotonneuse issue de son deuxième opus. On ressort la mandoline sur Fall et on s’offre un (presque) final festif avec Knots (beaux effets à la guitare électrique). On se dit au-revoir avec At Sail (la métaphore de l’eau encore et toujours), qui conclue un set certes resserré mais d’une classe infinie.