Hier soir, Glen Hansard, généreux et drôle, a livré un concert solo vertigineux dans la cour du Centre culturel irlandais. Et, avec ses amis musiciens iraniens, a offert en guise de final, un billet pour le Moyent-Orient. Un set magique de bout en bout.
Pleuvra ? pleuvra pas? C’est LA question du jour pour le public réuni dans la cour du Centre culturel irlandais à l’occasion du set de Glen Hansard. On est heureux de revoir le songwriter car son dernier passage parisien remonte à la Cigale il y a déjà presque deux ans ( septembre 2015). On scrute le ciel et il sera clément. Le pouvoir magique de la musique de l’ex-leader de The Frames peut-être ? On s’emballe ? Oh, si peu… Car, Glen Hansard va une nouvelle fois prouver qu’il est un grand performer. Il est venu cette fois en solo, sans ses « collègues » de The Frames. On se dit que sans la batterie de Graham Hokpins, ni les cordes ou les cuivres (très présents sur le dernier album Didn’t he ramble), cela manquera peut-être de sel. On se trompe : celui qu’on a vu récemment seul sur scène devant 10 000 personnes en ouverture d’Eddie Vedder au 3Arena à Dublin assure le show comme personne (des années de « busking » – jouer dans la rue-, ça forge un musicien).
Il démarre a cappella avec The Parting Glass, célèbre air traditionnel qui met les poils. On est au fond du pub, prêt à écouter le troubadour qui, tiens, n’a plus sa guitare trouée habituelle. Après High Hope, il explique qu’il a passé deux semaines à Paris, à faire le ba-ba de tout bon visiteur anglophone : aller à Shakespeare and co, acheter Paris est une fête de Ernest Hemingway et arpenter le 5e arrondissement. Un peu cliché mais la ville lui a dit « oui ». L’assistance fait de même car le garçon ose les envolées vocales rageuses et surtout est chaleureux et généreux. Elle tente quelques « ouh, ouh » sur Winning Streak, chanson sur l’amitié et se marre quand, dans une fulgurance, Glen Hansard fait semblant de voir deux pigeons en train de faire l’amour. Celui-ci dédie la ballade Little Ruins à un ami talentueux mais perdu à cause de l’alcool et offre un beau final, électrique avec le morceau de bravoure When your mind’s made up ( écrit avec Marketa Iglova, la moitié de leur duo Swell Season). Suit le doux Low Rising avant qu’il annonce l’anniversaire de sa mère qui a lieu ce jour. Petite blague sur son téléphone à la sonnerie bizarre (sa maman a l’air d’aimer le bingo…) et on enchaîne avec Birds of Sorrow ou comment survivre à l’amour perdu.
Glen Hansard, de part son parcours personnel, s’est toujours engagé dans la cause des sans-abris et était l’un des leaders du mouvement qui a réquisitionné le bâtiment vide Apollo house, à Dublin, en décembre dernier . En résulte, Shelter, qu’il interprète un peu approximativement au piano. On est entre amis, donc tout va bien. On continue dans le registre « artiste concerné » avec Vigilante Man, reprise d’un morceau du très grand Woody Guthrie « qui revient dans la lumière et c’est une bonne chose ». « La chanson est sur Fred Trump, le propriétaire pas très sympathique de Guthrie. Je me suis permis de rajouter deux phrases ». De quoi se moquer du mur qu’un autre Trump veut construire entre Les Etats-Unis et le Mexique… On adhère au blues rock de Way back to the way back when, sur les migrants économiques. Une certaine Elodie, dans le public, lui demande The Gift : ça tombe bien, c’était prévu et Hansard d’extrapoler sur Melody Nelson, composé le jour de sa naissance. Le public se risque un peu sur Mercy, aux accents soul. Après Song of good Hope, on n’échappe pas à l’inévitable (et un peu fatiguant, on l’avoue) Falling Slowly.
On croit avoir eu notre quota de musique et de blagues mais non. Voilà qu’il fait monter sur scène la chanteuse lyrique néerlandaise Judith Mok et les musiciens iraniens Ahmad Yahyazadeh, Mani, Nima et Pouya Khoshravesh aux instruments traditionnels. Et c’est un tout autre concert (« the messy part ») qui commence. On prend nos billets pour le Moyen-Orient avec une relecture ébouriffante de Who by Fire de Leonard Cohen. Judith Mok amorce la chanson en hébreu avant que Hansard ne prenne le relais. Beauté à l’état pure. Le pont est définitivement mis entre l’Irlande et l’Iran avec une version à tomber de Rocky Road, air traditionnel bien connu. On s’offre Passing Through, de Cohen à nouveau et Lowly Deserter est presque méconnaissable avec ses touches orientales. Au final, à quelques détails près (pas de The Auld Triangle, snif), on a eu droit à 2h20 d’un concert parfait et en lévitation. Glen Hansard a offert un beau voyage. On aurait aimé le poursuivre avec lui jusqu’au bout de la nuit et puis même après, tiens.
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