Après avoir donné un concert mémorable dans la cour du CCI en juillet 2017, Glen Hansard a réuni ses amis poètes et musiciens pour une belle et un peu foutraque Chapel Session le 29 novembre. Chaleureuse et généreuse, à son image.
Glen Hansard est un peu comme chez lui au Centre culturel irlandais. Au souvenir de son concert qu’il avait donné dans la cour en juillet 2017, on a encore des frissons (voir ici). Le troubadour, en résidence pour un mois, remet le couvert en ce 29 novembre pour une Chapel Session, sold out en 2 minutes (on exagère à peine). Sous le regard de Saint Patrick, l’ex leader de The Frames va évidemment dérouler ses hits (Falling Slowly, When your mind’s made up…). En guise d’introduction, on a droit à Grace Beneath the Pines jouée en acoustique (qu’il chante souvent a capella) suivie d’une version épurée au piano de Bird of sorrow. Sans le contrepoint de son « big band » habituel (cordes, cuivres etc), il devrait un peu moins forcer sa voix. On préfère donc quand il la joue plus sobre notamment sur Winning Streak, hymne à l’amitié.
Superman
Celui qui se sent parfois « Superman » en jouant de la musique face au public se lance dans une explication de texte de Don’t Settle, jolie ballade au piano sur la nécessité de rester aux aguets, avec référence à William Clancy. Il s’essaiera plusieurs fois à l’exercice : car Hansard est un grand bavard, prend donc le temps d’expliquer le making of des chansons, digresse, des étoiles dans les yeux, sur son séjour à Paris dans le 5e arrondissement (à la limite du cliché…), parle de son ami bouquiniste, d’Hemingway, de son séjour au CCI pour écrire…. Il évoque les conseils de Joni Mitchell en terme de songwriting et retient le mot « clochard » quand il entame au piano Shelter Me, chanson sur un sans-abri dublinois. Depuis qu’il est en France, il a appris quelques us et coutumes locales: non, on ne boit pas de la bière tiède surtout si on la trouve dans la rue… Luttant contre une grosse migraine qui l’oblige à sortir deux minutes de scène, il se fait appliquer du baume du tigre sur les tempes par une femme au premier rang. Câlin, rires : on est entre amis.
Belles lettres
En parlant d’amis… A l’image de ses concerts marathon de Noël à Vicar Street à Dublin, le songwriter, en grand partageur, n’est pas venu seul. Poètes et musiciens passent dire bonjour, comme lors d’une session au fond d’un pub. Pas de cérémonie, ce n’est pas le genre de la maison. C’est surtout l’occasion pour Glen Hansard de déclarer sa flamme aux belles lettres. Vont se succéder dans une ambiance un peu foutraque, l’écrivain Karl Geary, frère de Mark Geary, le songwriter et grand ami de Glen Hansard. Après une anecdote de jeunesse sur la star du soir, il livre un passage de son roman Montpelier Parade qui donne franchement envie de lire le reste. La jeune Máire déclame deux poèmes dont l’un est dédicacé au regretté songwriter Mic Christopher. Le francophile poète Michael O’Loughlin, qui a été résident au Centre, raconte La Montagne noire, terre de résistance pendant la Seconde guerre mondiale. Avec le délicat Leave a light on, qui sera sur la tracklist du prochain album prévu au printemps, on rend également hommage à un « absent’, un autre poète, Danny Sheehy disparu en 2017.
Musique trad
Et quid des musiciens invités ? Paddy Sherlock, qui vit en France depuis 30 ans, joue du trombone du fond de la chapelle sur Why Woman et monte sur scène pour Wreckless Woman, deux titres issus de Between Two Shores, le dernier album en date. Même si ce n’est pas sans défaut, l’apport de cuivre pour une note jazz reste plaisant. Ensemble, ils se lancent dans une belle relecture du rock / bluesy Way Back in a The Way Back When, une ode aux migrants. Beau moment quand Brendan Begley (1) (ou Breanndán Ó Beaglaoich), originaire du West Kerry et figure respectée de la musique trad, le rejoint avec son accordéon, pour jouer jigs et autres marches à vitesse grand V. En début de concert, dans le même registre, Hansard s’était d’ailleurs lancé dans une version a capella de l’énergique et imparable The Rocky Road to Dublin des Dubliners.
Vers l’Orient
Rencontrés lors du séjour de Hansard à Paris il y a deux ans, les iraniens Mani Khoshravesh (ney, flûte), Nima Khoshravesh (setar, cordes pincées), Pouya Khoshravesh (kemanche, cordes frottées) nous avaient éblouie lors du concert de juillet 2017. Les voilà de retour et encore une fois, ce pont entre l’Orient et l’Occident est un bonheur pour nos oreilles. Les quelques ratés à l’allumage ne viennent pas gâcher la fête. Avec Paddy en soutien, le jeu des frères se glisse avec naturel dans le folk du dublinois : on aime particulièrement l’écolo The Closing Door et le final dynamique de la métamorphosée Lowly Deserter (dédié au père de Hansard). Judith Mok, chanteuse et grande amie qui avait interprété du Leonard Cohen lors du concert en juillet 2017, demande à Mani de vaincre sa timidité. Et c’est côte à côte qu’ils se lancent dans un émouvant Addio Querido, une chanson séfarade. Après plus de 2h30 de show (la générosité à la Hansard), on se quitte avec une version improvisée et plus ou moins maîtrisée de Her Mercy avec Pouya et Paddy avant l’inévitable rappel avec Heyday, de son « frère » Mic Christopher. L’amitié, encore et toujours.
P.S : Glen Hansard jouera au Casino de Paris le 27 avril.
(1) : Glen Hansard, Danny Sheehy et Brendan Begley sont à l’affiche de The Camino Voyage, un documentaire sur une odyssée de 2,500 km en barque de l’Irlande à l’Espagne, qui vient de sortir en salles en Irlande
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