Le 11 et le 12 janvier, David Keenan a investi, en majesté, la scène du Whelan’s. Entouré d’amis (Lemoncello, Junior Brother, Gavin Glass…) , il a donné deux concerts mémorables et au long cours, où son songwriting lettré s’est fait à la fois folk et rock.
« Amis, ce soir, je veux que nous laissions nos peurs à la porte», lance David Keenan, comme un appel à la communion et à l’expression. Ce vœu, le jeune songwriter, qui a grandi avec les écrits de Yeats, Brendan Behan et Oscar Wilde, l’a formulé lors de ses concerts donnés à guichets fermés, le 11 et 12 janvier au Whelan’s. L’histoire ne dit pas si tout le monde est reparti bras dessus, bras dessous, mais de l’intensité il y en a eu, et ce de bout en bout. Et on mesure le chemin parcouru depuis notre première rencontre scénique avec Keenan, chez lui à Dundalk, au Spirit Store en 2017 (voir ici). Cette fois-ci, le songwriter s’est bien entouré. Avec Lemoncello (Laura Quirke, chant et guitare et Claire Kinsella, voix et violoncelle), chargé d’ouvrir le bal avec son folk intemporel et ses vibrantes harmonies vocales. Face à une salle trop bavarde, le duo doit d’ailleurs batailler, (le sort des premières parties…), pour dérouler ses perles comme Mantlepiece ou le très personnel Stuck Upon the Staircase.
Ambiance boisée
Mais place à la vedette du soir. Morceau introductif, Lawrence of Arcadia est immédiatement repris par le public. Grand moment de bravoure avec Keep the Peace, Prepare for War. Après 15 minutes en solo, David Keenan nous gratifie d’un de ses poèmes et convoque le très prometteur Junior Brother, dont on adore le folk âpre et sans concessions, ainsi que Gareth Quinn Redmond, compositeur et fidler ultra doué. Cela donne une belle relecture de The Friary (couvent / fraternité religieuse), qui fait déjà partie des incontournables. L’atmosphère est résolument boisée, énergisante, et c’est un festival d’harmonies vocales. Avec une complicité évidente (c’est la fin de sa tournée en commun), le quintet célèbre les fous romantiques (Bless the Mad Ones). Laura Quirke et Keenan unissent leurs voix puissantes lors d’une belle relecture de Cobwebs et Two Kids. On enchaîne avec Postcards from Catalonia, le « Die Hard de la chanson de Noël », au final qui met les poils. One more tune, à la mélodie imparable, devrait désormais compter parmi les musts de son auteur.
Prêcheur
David Keenan aime non seulement les belles lettres, dont il nourrit ses textes, mais l’art en général. Une ballerine s’empare de la scène et se met à danser sur un poème de Keenan et une vidéo projetée au-dessus de nos têtes. La chandelle des poètes continue de brûler près de son micro, quand Keenan revient, habillé en costume trois pièces. Celui-ci est cette fois secondé par le grand Gavin Glass à la guitare, l’ami et songwriter Harry Hoban, Graham Hopkins à la batterie et le bassiste Gar Kane. On change donc résolument d’ambiance, pour un son beaucoup plus rock. Après le furieux Good Old Days, Unholy ghosts emballe la salle. Tel un prêcheur, un Keenan charismatique décide de se balader au milieu du public pour The Altar Wine (littéralement le vin de messe). Un public qui s’exécute quand on lui demande de se baisser et ensuite, de se tenir la main et de « fuck the fear » lors de Love in A Snug. L’atmosphère reste électrique quand il est temps d’entamer James Dean, une ode à la légende hollywoodienne qui veut revenir à l’anonymat et travailler à Irish rail (la SNCF irlandaise).
Occupy the City with Original Ideas
Gros succès à l’applaudimètre, comme pour Evidence of Living, chanson qui donne son titre au tout nouvel EP sorti en décembre dernier. On se quitte avec un éloge à la décence et à l’empathie dans Subliminal Dublinia, sur la crise de l’immobilier dans la capitale irlandaise, écrite à Los Angeles, « une constellation de plastique ». « Occupy the City with original Ideas » dit la chanson : on adhère au message final d’un songwriter qui veut transmettre la flamme (« carry the flame ») et généreux (plus de trois heures de concert). On pense alors à Glen Hansard et à ses rendez-vous marathon : Keenan, au folk rageur, se place sans conteste dans sa lignée et celle de Bob Dylan. Evidemment, on ne ratera pas le passage parisien de la star en devenir, le 17 avril prochain, au Centre culturel irlandais.